Origines et prototypes
Années 50, origine du Falcon 20
Le Falcon 20 est le fruit d’une suite de besoins. En 1954, Dassault entreprend l’étude d’un avion de liaison qui rompt radicalement avec la lignée des bimoteurs précédents. Le « Méditerranée » est un biréacteur à voilure en flèche (les bords d’attaque des ailes forment une flèche vers l’avant, elles ne sont pas perpendiculaires au fuselage) bénéficiant de l’expérience acquise sur les chasseurs Ouragans ou Étendards. Il reste à l’état de projet.
En 1959, une étude concernant un appareil appelé Mystère 100 marque un changement de positionnement des moteurs. En effet, ils passent de la position sous les ailes à celle en nacelles accolées à l’arrière du fuselage. Deux ans plus tard, un avion similaire est étudié sous le nom de Mystère 20.

© Dassault Aviation
Années 60
En 1961, sous l’impulsion de Marcel Dassault, l’équipe Dassault de Bordeaux-Mérignac, composée notamment de Paul Déplante, directeur technique, Paul Chassagne et René Lemaire, tenant compte de l’apparition de nouveaux réacteurs tel que le Pratt & Whitney JT 12, reprend les études du « Méditerranée ». Elle adopte alors le montage des moteurs en nacelles latérales arrière comme sur la Caravelle. Le Mystère 20 est un biréacteur pour dix passagers pouvant voler à Mach 0,8 en croisière. Le nouvel avion est initialement prévu pour des missions de liaison à l’échelle européenne avec 1 000 à 1 500 km de distance franchissable. Le marché américain offrant également un intérêt important, la distance franchissable est portée à plus de 2 000 km en agrandissant la voilure.
Dassault applique à cet avion des solutions techniques éprouvées dans le domaine militaire. Il s’agit, en particulier :
– des servocommandes sur les trois axes, (assistance hydraulique permettant de réduire l’effort nécessaire sur les commandes de vol)
– d’une aérodynamique optimisée avec les moyens les plus modernes de l’époque
– et des « cambrures de voilure coniques ». Cambrures semblables à celles des Mirages et du Concorde (le profil de l’aile est cambré, concave à l’intrados (dessous) et convexe à l’extrados (dessus)).
Dassault développe l’appareil sur ses fonds propres et le produit en coopération avec Sud-Aviation.
Très rapidement, le Mystère 20 va rencontrer un succès commercial. Il est fiable et robuste car issu d’une longue expérience en aviation militaire. Il est rapide : jusqu’à Mach 0,88 dans les dernières versions. Pour comparaison, un Boeing croise à 0,85 et un Airbus à 0,82. Le maillage technique mondial voulu par Dassault fait qu’en tout point du globe, une équipe de maintenance n’est jamais loin en cas de problème technique.

© Collection Musée de l’air et de l’espace
Un Jet d’affaire mais aussi de lignes régulières
Dans les années soixante, l’aviation Civile commerciale se développe. Les premiers jet (B707, DC8, Viscount, Caravelle) viennent remplacer les avions à hélice. Les lignes se diversifient et on n’utilise plus seulement l’avion pour de longs vols intercontinentaux. La compagnie Pan American World Airways, la célèbre « Pan-Am », se montre rapidement très intéressée. Quelques heures avant le premier vol le 4 mai 1963 effectué par René Bigand, une délégation se rend à Mérignac pour voir le prototype. Parmi ses membres, le pionnier et héros Charles Lindbergh en tant que conseiller technique et Bernard Waquet en tant que prospecteur pour Dassault. Favorablement impressionné, la légende rapporte que Charles Lindbergh télégraphie le jour même au directeur de la Pan Am, Juan Tripp : I’ve found our bird (« J’ai trouvé notre oiseau »).

© Dassault Falcon Jet Falcon 20 Guardian
© Dassault Aviation

© collection photo Dassault
Ajout de réacteurs double flux : le Mystère devient « Falcon » chez Pan Am
Il est cependant demandé à Dassault d’adapter des réacteurs double flux General Electric CF700. Le prototype vole le 10 juillet 1964 avec cette motorisation à la place des 2 Pratt & Whitney JT12 A8 (de 14,7 kN de poussée chacun). Très rapidement, Pan Am passe commande de 40 appareils. La compagnie annonce le projet d’en acquérir 200 pour une première livraison en 1965. L’avion est américanisé et baptisé Fan Jet Falcon. Les autorités délivrent les certificats de navigabilité en juin 1965. Le nom Falcon restera définitivement attaché à la série, le « Mystère 20 » devient « Falcon 20 » à l’international. La compagnie envisage d’utiliser cet aéronef pour des liaisons transverses entre villes de moyennes importances et vers des aéroports situés sur des iles de l’Arc Caribéen n’ayant pas de grosses installations aéroportuaires. C’est la première fois qu’un avion d’affaire se décline en avion de ligne.

La Pan Am recevra ses premiers Falcon 20 en 1965, une fois la certification FAA décrochée.
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Federal Express Corporation
En 1971, Frederick W. Smith, jeune entrepreneur américain imagine le concept du transport rapide de fret aérien de nuit. Il choisit finalement le Falcon 20 et en commande 33 exemplaires. C’est avec ces seuls avions que Federal Express Corporation est née et fonctionna avec succès pendant 10 ans. Ce n’est qu’en 1982 qu’elle les remplaça par des Boeing 727 et des Douglas DC10.

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Une carrière militaire
Un autre succès américain du Falcon 20 fut la vente de 41 appareils équipés de réacteurs américains à l’United States Coast Guard sous l’appellation HU-25 Guardian en 1977. Leur mission est principalement la surveillance maritime, le secours en mer et la lutte contre les trafics. Entrés en service à partir de février 1982, ils sont retirés en septembre 2014. 5 d’entre eux continuent de voler pour la NASA et l’US Air Force .
La coalition a utilisé 2 Guardians avec succès lors de la guerre du Golfe en 1991 à partir de Bahreïn. Ils ont suivi l’évolution des nappes de pétrole le long des côtes du Koweït et de l’Arabie Saoudite. Leur taux de disponibilité a été le plus élevé de l’ensemble des appareils alliés engagés dans le conflit. Les HU-25 B et C des Coast Guard, équipés d’instruments spéciaux (radar multimode de l’avion de combat F-16 et tourelle FLIR), servent activement à la lutte anti-drogue le long des côtes américaines.

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Du « Guardian » au « Gardian »
En juin 1977, la Marine française doit tenir compte de l’augmentation de ses besoins en moyens de surveillance maritime. L’Aéronautique navale a besoin d’un appareil :
– pouvant atteindre des vitesses élevées
– capable de changements d’altitude rapides
– avoir des équipements de navigation et de détection performants à la fois fiables et robustes.
Devant opérer sous un climat chaud et humide, l’Aéronautique Navale recherche également un avion qui ne nécessite que peu d’heures de maintenance et dont la mise en œuvre soit légère. Ce sera un dérivé du « Guardian » Américain et se nommera le « Gardian ». Le 14 avril 1983, l’amiral Leenhardt reçoit officiellement le Gardian n° 1. Ses missions sont principalement :
– la recherche et sauvetage (SAR),
– le respect des lois et traités (ELT),
– la protection de l’environnement maritime (MEP)
– et les activités scientifiques et maritime (MSA).
Il peut, à l’occasion, faire de la contre-mesure électronique, de l’attaque avec un armement léger et même tirer des missiles AM39 exocet sur les dernières versions. Son successeur est le « Falcon 200 – Gardian ».

© MP BOUILLON-PHOTOGRAPHE-FAPF
Le Falcon 20 et le Secret de Marthe
Au petit matin du 29 septembre 1978, ce ne sont pas moins de 3 Falcon 20 qui décollent de l’aéroport de Milan-Linate (chapitre 8 du livre). A l’époque, la plateforme de Milan-Malpensa est surtout réduite au statut « d’aeroporto intercontinentale di Milano e del nord Italia ». Les toutes puissantes société FIAT et Olivetti possèdent des Falcon 20. Ils servent aux différents déplacements de leurs dirigeants à travers l’Europe. L’avion qui va exfiltrer la copie N°1 du Secret en Araméen appartient à une société basée à New-York (chapitre 8 du livre). C’est vraisemblablement un « broker » qui a fournit un Falcon 20 à « l’Organisation ». Cet avion, best seller du moment, allait passer inaperçu.
Changement de cap
Le changement de destination à la dernière minute (Dublin à la place de Vienne) est très courant dans le monde de l’aviation d’affaire. Ce changement n’attire pas l’attention des autorités. Ces « rerouting », au gré des besoins, envies, voire caprices des clients, sont encore légions de nos jours dans notre espace aérien encombré.
Disparition de l’appareil
Après quelques heures de vol, l’avion s’abime au-dessus de l’Atlantique, à 300 km de Dublin (toujours chapitre 8). On ne peut que supposer qu’après avoir fait un ravitaillement en Irlande, l’avion aurait poursuivi sa route vers l’Ouest. L’autonomie du Falcon 20, avec la première motorisation de l’époque, ne lui permet pas d’atteindre la côte Est des Etats-Unis sans une escale. C’est donc vraisemblablement vers Reykjavik qu’il se dirigeait quand il a explosé. Avec des vents extrêmement favorables, il tentait peut-être la traversée en direct vers Narsarsuaq au Groenland ou St-John à la pointe Est de Terre-Neuve. Quoi qu’il en soit, l’appareil disparait dans l’ Atlantique Nord et plonge en plein dans le courant marin dit « Gulfstream ». Cela va permettre (chapitre 91) le lent voyage aquatique du précieux document jusque dans l’océan indien.
Pourquoi l’avion est resté introuvable?
A cette époque, l’emport d’une balise de détresse « ELT » n’est pas obligatoire sur ce type d’aéronef. A titre d’exemple, on ne généralise son installation en France qu’avec le décret du 24 juillet 1991. Cela explique pourquoi les recherches qui n’ont pas manqué d’être lancées en 1978, n’ont pas permis de retrouver l’épave du Falcon 20.
Article rédigé par Martin Houzelle. Pilote